Folies Berbères prouve la capacité de Karimouche à se renouveler en affirmant ses fondamentaux : la force poétique, la minutie de la chronique sociale, sans oublier l’humour ravageur. Si l’artiste parvient à danser sur les crêtes en funambule, c’est en vertu d’une expérience unique : rompue au stand-up, actrice pleine d’énergie et de justesse dans des séries à succès telles que Les Sauvages ou Cannabis, elle connaît le mystère des apparences ; après des centaines de concerts à travers le monde, elle investit les scènes comme une boule de feu. Dans sa « folie franco-berbère », où l’autodérision tutoie l’Auto-Tune, Karimouche accomplit un tour de force : rendre sa sincérité au chant du caméléon !
Chanson française, musique orientale, trap, electro… : si les influences sont multiples, le style, lui, s’impose comme résolument novateur et épuré. Dans son troisième opus Folies Berbères, Karimouche aborde frontalement le sujet de ses origines. En témoignent le titre de l’album, mais aussi celui de certains morceaux comme « Buñul » ou « Princesses ». Carima Amarouche, alias Karimouche, née à Angoulême dans une famille berbère, balaie les fausses contradictions et les dualités stériles pour célébrer une nouvelle façon d’habiter l’Hexagone et le monde. La chanteuse féline abolit les barbelés entre les cultures. Sous l’empire des Folies Berbères, il n’est qu’une pluralité de goûts, de beats hypnotiques et d’accents vibrants sous une voix chaude et frondeuse.
L’album réalisé par Camille Ballon, alias Tom Fire, trouve sa modernité dans ces rapprochements inattendus. Que de souffle, d’acuité, de cordes à ce cri ! L’opus emprunte aussi bien à Edith Piaf qu’à Missy Elliott comme à la musique gnaoua. À Jacques Brel comme à Nass El Ghiwane, groupe marocain légendaire des années 70. Quant aux featurings, ils illustrent à eux seuls l’amplitude des influences : sur une piste, l’irrésistible cariocaise Flavia Coelho ; sur l’autre, R.Wan, parrain du rap-musette, l’un des plus talentueux paroliers de sa génération.
Alexandre Kauffmann